L’engouement pour les spectacles de Messmer en France et en Belgique suscite beaucoup de questions de la part de mes clients et de mes connaissances, leurs réactions sont toujours intéressantes à analyser et revient souvent sur le tapis la notion de “pouvoir” et de croyance. Pour moi, il s’agit d’une excellente occasion de démonter les mécanismes à l’oeuvre tant en hypnothérapie qu’en hypnose de spectacle, de démontrer aussi que les deux sont liés. D’une certaine manière, quand on lui pose la question, Messmer a une approche très censée de l’hypnose; un “état” de concentration extrême et de suggestibilité amplifiée. Le problème vient de la présentation qui en est faite par le spectacle et par les télévisions qui doivent attirer le client donc forcément chercher l’extraordinaire là ou il n’y a jamais qu’une expérience ordinaire. C’est pour moi l’occasion de m’appuyer sur ce phénomène pour vous expliquer ce qui se passe, ce qui ne se passe pas, le cas particulier de la salle de spectacle ou du plateau de télévision, l’influence primordiale de la suggestion à tous les niveaux de communication.
Dans ce premier article, je voudrais vous montrer que le simple nom de Messmer a une histoire et qu’il est à lui seul une suggestion que l’extraordinaire va se produire. Suivez mon explication et mon raisonnement, vous verrez mieux à quoi je veux en venir.
Messmer ou Mesmer ?
Pour un hypnothérapeute, et ce n’est pas une publicité pour paris-match, il est essentiel de connaître le poids des mots. En session, je dois pouvoir écouter attentivement vos mots, leur signification subjective et leur contexte. Leur importance est tellement grande que des concepts tels que celui du « clean language » ont été développés pour permettre de poser des questions en évitant de colorer les réponses par les mots de la question. Dans ces conditions spécifiques de l’utilisation de la langue, on ne peut donc pas ignorer le fait qu’il ait existé un autre Mesmer dans le passé et qu’il ait eu une influence importante sur le développement de l’hypnose.
Qui est Messmer, le showman? quel est le rapport entre son pseudonyme et l’histoire de l’hypnose?
L’homme qui tient le devant de la scène aujourd’hui, de son vrai nom Paul Normandin, est un artiste Québecois né en 1971. Pour retrouver les origines de son pseudonyme, il nous faut remonter au Paris du 18e siècle.
Dans le Paris de la fin du XVIIIe siècle, un nouveau phénomène fait sensation, un médecin Allemand du nom de Franz Anton Mesmer (1734-1815) professe et pratique une méthode de guérison qu’il dit révolutionnaire et tirée des principes de ce qu’il appelle le “magnétisme animal”. Selon lui, les maux s’expliquent par la perturbation d’un “fluide magnétique universel” qui traverse tous les êtres et choses. La guérison provient de l’utilisation et de la canalisation de ce fluide par des techniques spécifiques. Suite à une série de passes magnétiques sur tout le corps, le patient subit une “crise” qui provoque la guérison. N’oublions pas que nous nageons en plein siècle de l’hystérie, fourre-tout inventé pour nommer les “maladies nerveuses” inexpliquées. Mesmer est un magnétiseur. Même à l’époque, l’idée du magnétisme n’est pas nouvelle, Mesmer s’est inspiré de théories de ses prédécesseurs, il a juste eu l’idée de la remettre au goût du jour et d’en faire un phénomène de société. Car, dépassé par la demande, Mesmer invente la “thérapie de groupe” pour lui permettre de traiter plus de personnes à la fois. Rentabilité oblige, il met au point un système de baquets autour desquels se rassemblent les patients, tous connectés entre eux en attendant la crise libératoire. Le succès grandit et Mesmer devient un phénomène tel qu’il commence à inquiéter le pouvoir en place (imaginez-vous les Beatles au 18e siècle…). Louis XVI nomme une commission pour enquêter sur le phénomène, Guillotin, Lavoisier et Benjamin Franklin alors ambassadeur à Paris en feront partie. Astronomes, médecins chimistes de l’académie des sciences se penchent sur les théories de Mesmer pour les démonter et conclure que : « l’imagination sans magnétisme produit des convulsions…le magnétisme sans imagination ne produit rien ». En clair, et c’est la base de la notion d’hypnose, l’imagination produit des effets sur le corps et l’esprit, le magnétisme n’existe pas.
charlatan ou pas ?
Fluide universel, passes magnétiques, magnétiseur…dans nos esprits cartésiens, tout cela ressemble fort à des fariboles. Dans nos sociétés Cartésiennes, on a besoin de preuves, on veut du concret, du chiffre, des statistiques. Sauf qu’aujourd’hui, une quantité innombrable de personnes font confiance, par croyance ou nécéssité, à des thérapies sans fondement scientifique réel (Reiki, Homéopatie, kinésiologie…) mais qui ont démontré leurs effets positifs. Le magnétisme existe toujours de nos jours et à ce sujet on ne peut que recommander la lecture du petit ouvrage de Bernard Blancan “si j’étais guérisseur” qui nous démontre l’existence de “magnétiseurs sceptiques” qui cherchent à comprendre les principes en action lors de guérisons inexplicables.
Pour en revenir à notre artiste Québecois, on peut se rappeller qu’au départ il s’adresse à un public bilingue Franco-Anglais, le choix de son nom n’est pas anodin. Dans la langue Anglaise le nom propre est devenu nom commun, lorsque l’on veut parler d’un chose si captivante que l’on ne peut en décoller l’attention, on parle de “mesmerized”. L’homme, selon sa biographie wikipedia, pratique l’hypnose depuis l’enfance d’abord en tant que hobby, puis comme hypnothérapeute pour ensuite se tourner vers l’hypnose de spectacle à temps plein. Il utilise d’ailleurs pour se décrire le terme “fascinateur” , fascination qui agit à la simple suggestion de son nom de scène très judicieusement choisi.
Pour ce public Canadien, le mot existant déjà dans leur vocabulaire, le premier contact avec ce nom propre va déjà évoquer la magie de l’hypnose telle qu’elle est perçue dans l’imaginaire collectif.
Messmer n’est pas un charlatan, il utilise de vraies techniques d’hypnose et il maîtrise visiblement son sujet, le problème se situe dans le manque de communication sur la réalité de l’hypnose. D’une manière générale, tous les spectacles d’hypnose se complaisent à perpétuer l’image d’une sorte d’art secret, d’un théâtre de marionnettes grandeur nature ou le sujet est sans volonté et sous le pouvoir de l’hypnotiseur. Rien n’est moins vrai mais l’expliquer n’est pas simple car une grande majorité du public est convaincue de cette réalité, voire pire, la désire.
Mais que se passe-t’il réellement lors de ces spectacles? Pourquoi les sujets réagissent-ils comme ils le font? Quel est donc ce pouvoir que détient l’hypnotiseur? dans les prochaines semaines, je m’appliquerai à répondre à ces questions en utilisant comme support ce que vous avez pu voir sur vos écrans ces derniers temps.
prochain article : hypnose de spectacle – comment ça marche?