hypnose et situations d’urgence

les professions médicales et leur communication

J’ai eu l’attention attirée par un article de presse traitant de l’utilisation de l’hypnose dans les situations d’urgence. Il est heureux que ces notions commencent à faire leur chemin malgré les clichés et les préjugés.

Dave Elman
Dave Elman

David Elman est l’un des piliers de l’hypnose moderne. Pionnier de l’hypnose médicale, il est célèbre pour ses méthodes d’induction rapide. Il savait que l’hypnose peut être induite par n’importe quel moyen. Il considérait qu’il n’y avait pas une seule et unique manière d’induire un état hypnotique et utilisait les stratégies les plus diverses pour l’atteindre. Selon lui pour être utile dans un environnement médical, l’hypnose devait pouvoir être provoquée (induite) en moins de trois minutes. Son ouvrage “hypnotherapy” est considéré comme l’une des bases de l’hypnothérapie. Elman n’était pas lui même médecin mais il a passé une grande partie de sa carrière dans les hôpitaux à former des médecins à l’hypnose et à la communication positive. D’après lui, une grande partie du langage utilisé par le corps médical est contre-productive.

J’ai eu la chance de compter son fils Larry parmi mes professeurs. Après une carrière dans l’aviation militaire, Larry Elman a repris le flambeau de l’hypnose là où son père l’avait laissé. Pour lui également, la manière dont un médecin va utiliser le langage reste essentielle. Je l’ai entendu reprendre l’exemple suivant : un patient attend avec anxiété les résultats d’une analyse. Il attend les mots qui libèrent ou condamnent. Dans ces situations d’extrême susceptibilité émotionnelle le moindre mot peut sonner comme un couperet.  Il arrive que les termes du monde médical soient mal choisis, qu’ils conditionnent et causent des associations malheureuses. En l’occurrence, si les résultats de l’analyse se révèlent positifs, le patient peut comprendre qu’un grand malheur l’attend.

Comment après entendre le mot “positif” autrement qu’avec terreur. La suggestion existe à tous les niveaux des professions médicales, avec d’autant plus de force que nous leur donnons (souvent avec raison) le contrôle de notre santé. Une partie non négligeable de la guérison vient de la confiance que nous accordons à nos médecins. Nous leur donnons en quelque sorte le pouvoir de guérir en leur confiant notre inconscient.

Larry Elman & me
Larry Elman & me

Nous avons tous eu affaire à ce docteur ou ce dentiste qui nous prévenait que “ça allait faire un peu mal…’, compris et immédiatement amplifié par notre inconscient qui commande à notre corps de s’accrocher parce que ça va faire mal. Résultat, plus de tension dans le corps et l’esprit. Notre concentration va se focaliser à l’endroit précis où va, c’est certain, se produire la douleur. Résultat, la douleur est au rendez-vous avec en malus la certitude qu’à l’avenir ce genre de procédure sera douloureuse. Tout le contraire de l’hypnose où la voix du thérapeute peut vous guider vers d’autres endroits, vers des zones de confort ou la procédure douloureuse n’existe pas. La voix et la suggestion bien utilisée qui vont, c’est certain, vous rassurer sur ce qui vous entoure, vous confirmer que l’intervention est banale et qu’elle n’implique rien d’autre qu’un léger inconfort passager et facile à oublier.

En situation d’urgence, Larry Elmann défend l’idée que les personnes en situation de choc sont déjà dans un état de conscience apparenté à la transe hypnotique. Il postule même que ce seront les sujets les plus réceptifs à tout moyen donc toute suggestion leur permettant de réduire leur inconfort. Pour ceux qui savent l’importance de la communication, verbale ou non,  dans le domaine du mieux-être, cela paraît un évidence absolue. Contrairement aux idées reçues, et comme souligné dans l’article, l’hypnose peut très bien se pratiquer dans des endroits bruyants, chaque bruit pouvant être utilisé comme “amplificateur de transe”.

Je n’ai aucun doute que la situation s’améliore et qu’il existe des professionnels de l’urgence qui savent, instinctivement ou pas, utiliser leur communication pour rassurer. Nombreux sont les témoignages du caractère vital de l’attention portée à l’être humain en situation de traumatisme. Je vois encore toutefois des exemples du contraire, des situations où le mot juste aurait pu être utilisé. J’entends encore trop de spécialistes insister sur l’aspect le plus négatif d’un diagnostic. Certes, il n’y a pas de magie, il ne s’agit pas de repeindre une statistique en rose bonbon mais de sauter une barrière pour offrir une version plus positive du problème rencontré. Il s’agit encore et toujours d’utiliser les ressources subjectives de la personne concernée, de trouver le plus rapidement possible ses leviers positifs uniques et personnels, ceux qui lui permettront d’affronter l’obstacle, physique ou mental avec plus de sérénité.

Si je suis persuadé des motivations positives de ceux qui nous soignent, je n’ai aucun doute qu’une formation systématique des professions médicales et des services d’urgence à l’hypnose et à la communication positive serait bienvenue voire salutaire.